-
Né à Beaufort, mort dans l'Oklahoma
On voudra bien me pardonner de commencer ce blog par des archives qui m'appartiennent en propre. Le 4 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de qui-vous-savez et, alors, président de la république, fait un coup d’état pour devenir empereur. L’affaire, pour ce qui concerne la Drôme, est très documentée. Un soulèvement s’ensuit. Et il se trouve que notre famille est du camp républicain. Donc, elle rejoint, dans des circonstances assez connues, les insurgés qui se lèvent un peu partout dans la région contre l’opération. Il est probablement inutile de dire que les malheureux seront hachés menu par les troupes napoléoniennes. La ville de Crest possède toujours aujourd’hui une statue de l’insurgé, en souvenir des batailles qui valurent aux meneurs la déportation.
Beaucoup, dont Jean-Pierre Mouriquand, devront s’enfuir. Lui a hébergé des républicains dans sa ferme. «De ma maison, écrira plus tard son fils, nous pouvions voir toute la colonne» (de révoltés qui était partie le 6 décembre 1851, des hauteurs de la Gervanne). «J’avais six ans et je m’en souviens jusqu’à présent. Les hommes étaient armés avec ce qu’ils pouvaient.» Dans les mois qui suivirent des escouades ratissèrent les campagnes à la recherche de sympathisants révolutionnaires. «Comme il marchait dans un champ (Jean-Pierre Mouriquand) vit une escouade, se cacha dans l’herbe, mais il fut repéré parce qu’il portait une chemise blanche». Il est arrêté, relâché, mais définitivement suspect, il part aux États-Unis emmenant notamment son fils Jean-Pierre-Diogène (ici JPD) , né en 1847. Nous savons seulement que Jean-Pierre meurt en 1880.
Jean-Pierre-Diogène, arriva aux États-Unis en 1858, à l’âge de 12 ans. Il s’enrôle dans l'armée du Nord, lors de la guerre de Sécession et participe à tous les combats, la guerre ayant eu lieu de 1861 à 1865. Il semble qu'il ait menti sur son âge pour se faire enrôler. (Il paraît qu'il existe même aux États-Unis une association des Mouriquand ayant servi dans l'armée américaine...).
Il se marie avec Samantha Jane Buck, originaire du Tennessee. Elle avait perdu sa mère à l'âge de huit ans. Il l’avait rencontrée à Neocho, dans le Missouri, où elle s'était installée avec ses deux frères.
Ils se rendirent d'abord dans l'Oklahoma, puis à Sedan (aujourd'hui 1200 habitants), dans le Kansas, que JPD contribua à construire. Puis, ils partirent pour Homestead (actuellement dans le comté de Blaine de l'Etat de l'Oklahoma -l'actuel comté reste tout petit puisqu'il ne compte pas 12 000 habitants, autrement dit c'est de l'ordre de grandeur de la région de Crest...). Il est forgeron, croque- mort, surtout patron du “general store”, c'est-à-dire le magasin où l'on trouve de tout dans le petit village. Son magasin sert aussi de poste locale. Il était, au surplus, pharmacien comme sa fille Sarah qui tenait la pharmacie. Samantha et Jean-Pierre-Diogène ont eu un nombre considérable d’enfants: Marie-Alice, Sarah Razelta, Martha Rebeka, Albert Labon Lee, Edwin Burt, Noral Ellen, Mark Moore, Elon Diogène et Stephen Arch. A cela s’ajoute peut-être un fils adoptif dont la mère avait été abandonnée lors d'une attaque de chariots par les Indiens et élevée par une vieille Indienne. Jean-Pierre Diogène va devenir sénateur des territoires de l'Oklahoma. Le «Daily Oklahoma State Capital», le cite dans son compte-rendu des débats parlementaires du mardi 16 février 1897. Il s’oppose, semble-t-il, au régime favorable qu’on est en train de consentir à une institution religieuse d’enseignement.
Horreur, «L’Oklahoma Leader» du 16 décembre de la même année nous apprend que l’excellent parlementaire s’est fait casser la figure pour avoir apporté son témoignage dans un procès... Ce qui prouve que la moralité se perd depuis bien avant mai 68. Il était lui-même prédicateur baptiste. Malgré ce titre, il s’oppose, nous dit le «Guthrie Daily Leader» du 2 février 1897, à ce qu’on exempte les ministres du culte d’impôt considérant que Jésus, seul exemple pour les hommes du culte, n’avait jamais demandé qu’on fit d’exception en leur faveur... Ce personnage décidément peu ordinaire était enfin membre de la franc-maçonnerie de rite écossais – ce qui aux Etats-Unis est d'une parfaite banalité.
Jean-Pierre-Diogène fut aussi un farouche prohibitionniste, c’est-à-dire opposé à la vente d’alcool dans les lieux publics. Il fut enfin...président de l’association de lutte contre le vol des chevaux de son état à partir de 1899.
JPD meurt à 93 ans, en 1935. (Il est sur la photo de gauche l'homme à la puissante moustache). Un de ses fils, Mark, devenu US Marshall, fut tué par un hors-la-loi, quelques temps après avoir lui-même tué un des membres du célébrissime gang Black and Yeager que l'on trouve dans toutes les bonnes chroniques de l'histoire de l'Oklahoma. Un savant travail d'un dénommé Robert O.Fay, datant de 1959, nous incite à ne pas croire à toute les histoires de trésors cachés des membres du gang. Nous, ça nous plairait bien. On peine à le croire et pourtant c'est dans ce même endroit et à la même époque que sévirent... les Dalton. Ca ne s'invente pas
J’ai retrouvé dans mes archives une lettre. Elle est - elle- d’une écriture magnifique et d’une langue parfaite et elle est précisément de Léa Vignon depuis Beaufort. Elle dicte - car elle ne parvient plus à écrire et c’est un Buffardel qui tient la plume: « J’ai encore, présent à la mémoire le moment de votre départ en 1858. Votre dernière maison n’a plus jamais été habitée et ses ruines après un incendie sont pour moi un souvenir de votre famille.»
Tags : gervanne
-
Commentaires
3Alexandre BDimanche 24 Avril 2016 à 17:19Au fait, êtes vous en contact avec un (ou plusieurs) des descendants de JPD ?
Peut être vous êtes vous rapproché d'eux ?
Oui, j'ai au moins des contacts par mail et FB. Il y a quelques années, l'un d'entre eux est venu à Beaufort
Ajouter un commentaire
Bonjour,
A propos du dernier paragraphe de votre article : cette Léa Vignon est née Léa Ulie Mouriquand en 1844. C'était la cousine de JPD. Elle a habité la maison Buffardel (qui était la maison Mouriquand à l'époque) et qui appartenait à son frère Léon.
Léa s'est mariée avec un certain Frédéric Vignon, bourrelier de son état (on peut encore voir l'enseigne sur la droite de la maison). Elle tenait quant à elle le café au rdc de la maison (dont on voit également encore l'enseigne "Café Savoye").
Quant au Buffardel qui tient la plume, je serais bien curieux de savoir qui il était, car cette Léa est mon arrière-arrière grand tante.
Salutations,
Alexandre Buffardel
Très vifs remerciements