• Rapport de Balthazard Souvion,

    juge de paix du canton de Saillans, issu d'une grande famille saillansonne, membre de la société d'agriculture de la Drôme, en 1857.

    Un rapport de Balthazard Souvint sur la crise de la soie

    "La récolte des vers à soie est la plus grande richesse des pays méridionaux de la France et bien des pays du Nord et de l'Ouest s'occupent activement de la culture du mûrier. On s'en occupe également dans les pays étrangers et des graines venues de la Suisse, même de Prusse très froide en comparaison de la France, ont toutes à peu près réussi.

    Depuis plusieurs années, une maladie s'est emparée du ver à soie dans les pays méridionaux et paralyse presque entièrement cette production. Cette maladie s'est introduite en France et en Italie depuis 1852 et a exercé ses ravages principalement en 1855, 1856 et 1857 et a anéanti en quelque sorte le produit de ce précieux insecte. Cette maladie nous est venu sans doute de l'Afrique ou de l'Espagne où elle règne depuis 10 ans.

    Le ver est atteint de la maladie; elle se maintient dans la métamorphose de la chrysalide en papillon et ce dernier la communique à la graine en altérant les organes du papillon, mâle et femelle, et lui ôte les facultés nécessaires à la pondération (?) de la graine qui n'est pas convenablement fécondée. Il suit de là que la graine produites par les vers atteints de la maladie ne produit que des vers d'une faible constitution qui périssent quelquefois à leur naissance ou restent faibles et délicats, ne mangent pas et demeurent ainsi faibles de constitution,végètent sans acquérir de la force pour faire de bons cocons.

    On pourrait citer à l'appui de ce que je dis ci-dessus une infinité de graines qui n'ont produit que de petits vers appelés vulgairement arpins. Ainsi, en 1856 et 1857, beaucoup de personnes ont essayé de faire de la graine avec des cocons très bien réussis dans les pays de plaine; ils en ont même fait dans les pays de plaines avec des cocons des montagnes espérant ainsi être préservée de la contagion. Les vers n'ont produit que très peu de graines mal fécondées et lorsqu'on la mise à l'incubation, en 1856 et 1857, à cause de la cherté de la graine- et j'en ai fait moi-même la triste expérience en 1857 sur deux once de 25 g dont les vers n'ont jamais montré beaucoup de vigueur et ont fini par mourir à chaque mue, ne mangeant pas ils n'ont pas fait de cocons (phrase bancale) .
    Monsieur le maire d'Espenel (Canton de Saillans) qui, depuis plusieurs années, fait de la graine dans les pays montagneux m'a assuré qu'il a transporté des cocons de la récolte qu'il a fait grainer à Brettes, pays des montagnes du canton de la Motte Chalancon assez froid, pour les faire grainer à Espenel. Ces cocons ont autant produit de la graine à Espenel qu'à Brettes et les propriétaires d'Espenel auxquels il a vendu de cette graine ont très bien réussi. Le sieur Brun, maire d'Espenel, m'a dit qu'une année que sa récolte avait très bien réussi, il a pris 4 kg de cocon de sa récolte espérant qu'il pourrait en obtenir de la graine afin d'être dispensé d'aller en chercher dans les pays de montagne, mais ces 4 kg de cocons ne lui produisirent que 32 g de graines lesquelles furent atteintes de la maladie et ne produisirent point de cocon.

    Un rapport de 1856 sur la crise de la soieJe connais plusieurs personnes qui, en 1856, avaient acheté des cocons des montagnes pour faire grainer à Saillans (Drôme) . En 1856, elles n'ont obtenu qu'une faible récolte. Ces mêmes personne ce sont servies en 1857 de la graine faite dans les pays montagneux. De la même récolte dont elles s'étaient servies en 1856 et quoi que élevées dans des pays chauds, elles ont très bien réussi cette année. Ce cas ne s'est pas produit seulement Saillans mais il s'est aussi produit dans tous les pays de canton pour les particuliers qui ont été faire de la graine dans des endroit frais où la maladie n'avait pas encore pénétré.

    On reconnaît facilement si la maladie, appelée gatine en Italie, a envahi une chambrée, en ouvrant le cocon et partageant la chrysalide en travers: on trouve les ovaires ou germes noirâtres; si, au contraire, on les trouve verdâtres, on peut sans crainte les prendre pour graine.

    Les personnes qui vont dans les montagnes pour y chercher de la graine reconnaissent le maladie sur les vers : ainsi elles visitent les chambrées qu'elles sont dans l'intention d'acheter deux jours après la troisième mue; si elles voient que l'extrémité des pattes des vers, le museau, la queue sont noirâtres, l'insecte est atteint de la maladie et elles renoncent à faire l'achat. Si ces signes ne sont pas apparents à la sortie de la troisième et quatrième mue, on retient la chambrée pour faire de la graine pour l'année suivante. On a encore soin de voir les vers au moment de la montée pour s'assurer qu'ils sont vigoureux et s'ils font correctement leurs cocons. Ceux qui vont faire ses observations ne terminent leur marché que lorsqu'ils voient les cocons forts et qu'ils en ont coupé plusieurs pour examiner si la chrysalide n'est pas atteinte de la maladie ce qu'ils reconnaissent aux signes que j'ai indiqués plus haut. Nous avons dit que les vers à soie réussissent beaucoup mieux dans les pays montagneux à cause de l'air plus pur des montagnes. Que conclure de cette situation? C'est qu'il convient de ne pas trop chauffer les vers: une trop grande chaleur doit altérer les organes vitaux, abréger la vie de l'insecte et l'empêche ainsi de recueillir dans le corps la soie nécessaire pour faire de bons cocons.

    La température reconnue la plus convenable et celle de 20-21° à l'éclosion jusqu'à la première mue, 18-19° pour la seconde, mêmes températures à la troisième mue, mais plutôt de 16 à 18 degré, de 15 à 16 et même à 14 seulement à la quatrième mue et, à la montée, pendant la confection du cocon 18 et 19°.
    L'année 1857 a été tardive pour les vers à soie. Les froids, survenus du 15 au 30 avril, ont fait renvoyer l'éclosion des œufs par ce qu'on redoutait la gelée mais une chaleur des plus fortes ayant succédé tout à coup, les feuilles ont poussé avec une grande rapidité et la feuille arrivée si rapidement n'a pu être mangée par l'insecte, à cause de sa dureté. Les vers ne mangeant pas assez sont restés petits et n'ayant pas les forces nécessaires n'ont pu faire que peu de cocons. Aussi la plupart des éducateurs ont remarqué beaucoup de petits.
    Depuis dix ans, on s'apercevait en France que la graine dégénérait. On a eu recours aux graines d'Italie et, pendant quelques années, on a obtenu de bonnes récoltes mais, en 1855, la gatine a envahi la majeure partie des provinces italiennes et piémontaises et, depuis cette époque, on est presque forcé de renoncer aux graines de ces pays. Les sériciculteurs qui ont eu la précaution de faire faire de la graine dans les pays non encore atteint de la maladie, ont apporté des graines qui ont assez bien réussi. En 1856, Monsieur Poidebard associé de messieurs Noyer et Cohen de Lyon, en a fait faire à Bologne et à Florence 500 kg dont on se loue beaucoup en général. J'ai éprouvé moi-même la graine de Monsieur Poidebard qui a assez bien réussi. Monsieur Poidebard fera en 1857 beaucoup de graines pour la récolte de 1858 mais qui sait si la maladie n'aura pas atteint, en 1857, les provinces où il a fait faire sa graine l'année dernière. Par la confiance qu'il s'est acquise, il vendra beaucoup de graines pour la récolte prochaine mais si la gatine a sévi dans les pays d'où il la tire on éprouvera du mécompte.

    Monsieur Henrion Meynard et compagnie de Valréas a apporté beaucoup de graines d'Orient en 1856 . Cette graines a donné d'assez bons résultats. Il s'est acquis ainsi beaucoup de confiance dans la vente des graines de 1858. En habile sériciculteur, il a fait à grand frais une expérience pour reconnaître les meilleurs espèces qu'il convenait d'employer pour la récolte de 1858. Il a reconnu que les graines de cocons blancs de l'Archipel (?) était celles qui réussissaient le mieux. Il est certain qu'il s'en est procuré beaucoup de cette espèce pour l'année prochaine. Mais les fileurs ont reconnu que les cocons blancs ne fournissent pas autant de soie que les jaunes; il convient donc de préférer ces derniers et ceux de France aux étrangers qui l'emportent pour la forme et pour la finesse.

    Je conseillerais de faire faire la graine dans nos pays de montagne. Pour mon compte, j'ai l'intention de prendre quelques kilos de cocons bien réussis venant de la plaine - des jaunes- et de les aller faire grainer dans un pays de montagne. Il est possible que la graine soit meilleure et plus abondantes et , si je réussis, j'aurais l'avantage sur les cocons pris dans les pays montagneux en ce que les cocons de la plaine ont le brin plus fin et produisent plus de soie.


    Un rapport de 1857 sur la crise de la soieJe crois qu'il serait très important à cause de la qualité des cocons de se procurer de ceux de la plaine
    en faisant choix des nourritures non atteinte de la maladie et faire grainer dans les pays montagneux. On remarque que les meilleures récoltes produites par des vers dont la graine a été faite dans les montagnes ne grainent pas dans la plaine ce qui oblige les sériciculteurs d'acheter leurs graines dans les pays montagneux où les habitants s'en prévalent pour faire payer les cours de graines à des prix ruineux pour les propriétaires qui en achètent. En 1856, seuls les cocons de montagne pour graine se sont vendus de 10 à 11 Fr. le kilo; En 1857 le prix s'est élevé jusqu'à 20 à 25 Fr. le kilo. Et même à ce prix, tous les éducateurs n'ont pas pu se procurer ce qu'il leur fallait ce qui fait vraiment craindre que la récolte de 1858 ne sera pas meilleure que celle de 1857 à cause de la mauvaise qualité des graines qui seront employées.
    J'ai acheté 10 kg de cocons de la récolte de 1857 qui ne paraissent pas atteint de la maladie. Je vais les faire grainer à La Chaudière, pays très montagneux du canton de Saillans où il n'y a point de vers à soie. Je ferai aussi l'essai de faire de la graine avec 8 à 10 kg de bon cocons pris à la plaine, ne me paraissant pas atteint de la maladie et si les papillons me paraissent sains, je les ferais voltiger dans la fleur de soufre afin d'éprouver la vertu de cette substance pendant cette phase de ce précieux insecte.

    La France a beaucoup reçu de graines de l'Orient mais en général les vers sont trop gros et trop mous: ils montent difficilement à la bruyère. Monsieur Meynard l'a observé dans l'expérience qu'il en a faite en 1857. Il a dit que les cocons de Syrie ne convenaient pas à la France et je l'approuve sous ce rapport. Les petit cocons pourraient réussir mais le climat de la France ne me paraît pas leur convenir; d'ailleurs le brin est généralement grossier et ils ne valent pas l'espèce dite « de pays » ou de Cévennes. Il faut beaucoup d'espace pour les encabaner car ils ne grimpent que difficilement et n'aiment pas se fatiguer pour faire leurs cocons. J'aime à vanter l'espèce de ce pays parce qu'ils (les vers) sont lestes et vigoureux pour monter en bruyère.

    Leurs cocons sont d'une jolie grosseur et d'un brin très fin préférable à ceux de l'Italie généralement trop petits; les cocons blancs de la Grèce ou de la Turquie sont aussi de jolie grosseur. Certaines espèces ont le brin très fin et ont assez bien réussi cette année ainsi que les vers à cocons blancs de la brousse. Il est fâcheux que nous ne puissions pas nous procurer des graines à cocons jaunes de la grosseur et de la finesse de ceux de la France dits « de pays ».
    La France, pour la récolte de 1857, a employé beaucoup de graines d'Orient, d'Italie, du Piémont, de la Suisse de la Prusse, d'une partie de l'Allemagne et même de la Géorgie. Ces différentes espèces ont plus ou moins réussi mais elles ont été l'objet de tromperies indignes. Les Français sériciculteurs, ne sachant sur quelle graine fixer leur choix, en ont employé de toutes sortes dont la plupart, étant fraudées, ont donné de très mauvais résultats. Croyant bien choisir en prenant toujours les graines les plus grosses, les mieux nourries, les plus colorées qui sont les caractères de la meilleur fécondation la plupart ont été trompés ayant acheté des oeufs de poissons ou des graines de pavot ou encore des graines de ver à soie qu'on avait échaudé pour prévenir l'éclosion.
    Comme je ne vois guère de marchandises qui offre plus de moyens de fraude, je crois qu'il serait bon que chacun fit la graine dont il a besoin. Espérons que la science trouvera le moyen de faire disparaître la maladie des vers! Déjà, bien des personnes s'applaudissent des bons effets du souffrage. J'ai confiance que, Dieu aidant, il surgira un dernier remède qui nous permettra de conserver nos graines de pays et il nous exonèrera des pertes que nous faisons avec les vendeurs de graines qui ne cherchent qu'à faire fortune au détriment des éducateurs dont ils causent la ruine.
    Le gouvernement, dans sa sagesse et sa prévoyance, ne manquera pas de s'intéresser à cette branche de l'industrie si importante pour les pays méridionaux dont elle fait la plus grande richesse et afin de soutenir nos fabriques dont les produits s'exportent sur toute la surface du globe.
    La société d'encouragement pour l'industrie nationale ne restera pas en arrière pour offrir des réponses aux meilleurs éducateurs.

    Je désirerais que le gouvernement ou la société d'encouragement offrit une récompense considérable à celui qui fera faire plus de graines dites « de pays », qui livrera ses graines au plus bas prix, et qui, dans le mois d'août prochain, seront reconnues pour avoir le mieux réussi.
    Un autre prix à celui qui aura introduit en France le plus de graines étrangères, lesquelles auront été reconnues de bonne qualité après la récolte et qu'il aura cédé au plus bas prix. Le gouvernement devrait exiger qu'il ne fut vendu et livré au commerce aucune graine de vers à soie colorée. Les graines colorées devraient être saisies et confisquées au profit de l'État. Et une forte amende devrait être imposée à celui entre les mains duquel une pareille graine serait trouvée. De cette manière, on ne serait pas exposé d'acheter des œufs de poisson pour de la graine de ver à soie comme cela est avéré en 1857. La graine non fécondée apparaîtrait au yeux de tous. Et chacun pourrait juger par la couleur la qualité de la graine. Tout individu qui voudrait faire le commerce de la graine de ver à soie devrait être tenu d'en faire la déclaration à la mairie de sa commune. La graine devrait être contenue dans des boites portant en inscription la provenance et la quantité qu'elle contient ce pour chaque boîte et le tout signé par le vendeur afin d'avoir recours contre lui en cas de fraude. On pourrait bien avec ces précautions être encore exposé à des tromperies mais, cependant, bien moins que dans l'état des choses à cause de la crainte des amendes en cas de fraude.

     

     

    Saillans, le 6 juillet 1857

     

    Balthazard Souvion


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  • L'affaire du nouveau canton de BeaufortSuccessivement, en 1826 et en 1877, les élus de Beaufort, probablement en relation avec certains de leurs collègues d'autres communes avoisinantes, ont demandé la création d'un canton de Beaufort. Ainsi, par exemple en 1836, le conseil municipal de Beaufort " vu l'éloignement des communes d'Omblèze, de Plan de Baix, de Gigors, de Beaufort de Suze, de Montclar, du Cheylard (ancien nom de l'Escoulin) et d'Eygluy, ces deux dernières faisant partie du canton de Saillans

    Vu pareillement l'avis de ces communes

    Et considérant que la commune de Beaufort se trouve au centre des huit communes sus-citées et encore de celle de Cobonne, d'Ourches, de la Rochette et de Mirabel qui se trouvent à peu près à la même distance de Beaufort que de Crest

    Ayant ensuite examiné que la commune d'Omblèze a six lieux de marche pour se rendre à Crest, celle de Plan de Baix quatre, celle de Gigors trois, celle de Suze deux et demi et demi celle du Cheylard trois pour se rendre à Saillans, celle d'Eygluy de neuf

    Tandis que pour se rendre à Beaufort elles n'ont pour distance que trois lieux pour Omblèze, une lieu pour Plan de Baix, un demi-lieu pour Gigors, un demi-lieu pour Montclar, une lieu pour le Cheylard et une lieu pour Eygluy;(la valeur de la lieue qui, malheureusement varie selon les...lieux et les époques tourne autour de 4 km)

    Attendu par ailleurs que la ville de Crest a deux juges de paix

    Le conseil municipal, par conséquent, demande la translation du canton de Crest Nord à Beaufort; ou bien a être autorisé à former un canton des 12 communes ci-dessus désignées dont le chef-lieu fut Beaufort;

    Attendu que le canton de Crest sud se trouve aussi à l'extrémité, pour ne pas augmenter les frais d'une justice de paix, vous pourriez, Monsieur le sous-préfet, faire réunir la ville de Crest, Aouste, Montoison, Alex, Eurre, et Vaunaveys au susdit canton de Crest- Sud et retrancher les communes d'Eygluy, Le Cheylard au canton de Saillans, et même ajouter la commune d'Aouste au canton que nous réclamons qui certainement serait encore moins onéreux pour cette dernière commune qui n'a que deux lieux à faire pour se rendre à Beaufort que pour la commune d'Omblèze qui en a six pour se rendre à Crest ainsi que pour plusieurs autres communes que nous avons citées ci-contre et qui se trouvent aussi à l'extrémité du canton de Crest.

     

    51 ans après cette première délibération, le sujet revient devant le conseil municipal de Beaufort où l'assemblée, ayant entendu son président, et reconnaissant que cette proposition de création d'un nouveau canton de Beaufort est digne d'être prise en considération, demande à l'administration compétente que Beaufort soit érigé en chef-lieu d'un canton comprenant les communes du Chaffal du canton de Chabeuil, du Cheylard et d'Eygluy du canton de Saillans, de Plan de Baix, Gigors, Suze, Montclar et Mirabel du canton de Crest. Le conseil tient à faire remarquer que bon nombre de ses communes sont à plus de 25- 30 km de leur chef-lieu actuel. Il est vrai de dire aussi que Crest où seraient ôtées le cas échéant sept de ses communes ne pourrait former une opposition sérieuse attendu qu'il est à la fois chef-lieu pour Crest Nord et pour Crest sud et il ne paraît pas équitable qu'il y ait tant d'avantages pour les uns, et tant de difficultés pour les autres. Le Chaffal ne saurait aussi se plaindre car ses intérêts seraient bien mieux représentés du côté de Beaufort vu le rapprochement et la facilité des chemins; Le Cheylard et Eygluy ont manifesté à plusieurs reprises tout l'intérêt qu'ils auraient à ce qu'une pareille mesure fut prise. Se trouvant étrangement rattachés au canton de Saillans, ces deux communes n'ont d'autres voie à suivre pour se rendre à leur chef-lieu que le chemin de Beaufort à moins de suivre des sentiers qui sont plus directs mais où l'on ne peut passer que difficilement et sans voiture.


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  • La guerre de 1870 génère l'inquiétude à Beaufort comme ailleurs. Pour l'occasion le conseil municipal se réunit le 24 octobre 1870 avec les plus forts contribuables à l'invitation  «  qui est faite par le citoyen-préfet » ce qui montre que l'empire a déjà chuté.Il s'agit de payer les dépenses résultant de l'équipement l'habillement et l'entretien des gardes nationaux mobilisés. Par conséquent, il faut trouver 720 Fr pour habiller 18 hommes plus 680 Fr. de réserves de prudence. Le conseil ajoute « c'est avec le sentiment le plus patriotique et parfaitement convaincu que la triste situation qui nous est faite par l'ennemi mérite de grands sacrifices que la commune, bien qu'elle n'aît d'autres moyens que l'impôt pour arriver à faire des recettes et que, d'un autre côté, les grandes dépenses s'effacent en présence des exigences que lui impose l'état des événements présents, compte avec la plus complète assurance sur la République pour quel aît part, si possible, à un remboursement total ou partiel selon l'importance des fonds qui seront mis à la disposition de l'administration départementale" (phrase bancale). En clair, la commune aime bien la République mais elle aime bien qu'on lui rembourse son argent. La commune de vote par ailleurs un franc par jour et par soldat de la commune pour pourvoir à sa nourriture. Le problème est que tout cela coûte cher: le maire propose de réaffecter à l'entretien des troupes de l'argent qui était initialement prévu pour des chemins qui sont en réalité en bon état. Mais il faut finalement recourir à l'emprunt pour combler les autres dépenses.

     

    Du reste l'optimisme n'est pas de mise puisque que le conseil municipal doit délibérer en novembre 1870 sur les mesures à prendre concernant les bestiaux, chevaux, voitures et approvisionnement dans le cas où l'ennemi marcherait sur la Drôme de telle sorte que tout cela ne puisse lui servir. Et on décide donc que dans cette éventualité des refuges seraient trouvés pour ces animaux et ces équipements soit dans la vallée du Diois soit dans les montagnes de l'Ardèche.


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  • Il y avait en 2012, 69 habitants à Omblèze. On revient de loin. Voyez plutôt.

    Ils sont passés où les habitants d'Omblèze

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pour être complet, il faudrait ajouter qu'en 1793, il y en avait 506. Quelques questions: on les mettait où, tout d'abord? Car enfin Omblèze est aujourd'hui un pauvre petit agglomérat de maisons, avec, certes, des immensités végétales désormais vides, alors qu'il y eût, très probablement, de nombreuses fermes isolées. Il est vrai aussi qu'on acceptait alors des conditions de logement incroyablement plus vétustes.

    Ils sont passés où les habitants d'Omblèze

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mais enfin, il faut constater, que cela signifie qu'une commune loin de tout où, à la révolution, il faut probablement plus d'une journée pour rejoindre la grande ville, est plus peuplée que la commune du centre de la vallée: Beaufort-sur-Gervanne. On dira que, par définition, s'il y avait du nombre, il n'y avait pas de solitude. Mais tout de même cela implique qu'il était possible de faire tourner de petites économies, complètement fermées, quasiment déconnectées du reste du monde, dans les solitudes ventées et souvent glacées d'un Vercors qui nous paraît aujourd'hui magnifique, mais qui pouvait, alors, être hostile. 

    Ces quelques lignes de statistiques nous donnent la mesure d'un chamboulement inouï de civilisation. Et davantage même. Car enfin, c'était bel et bien des femmes et des hommes qui vivaient là bas, mais probablement des individualités toutes différentes de celles d'aujourd'hui, acceptant cette dureté du décor et sachant y résister. Il est donc probable qu'on a aussi changé les hommes.

     


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  • En raison du nombre de lecteurs de ce blog qui sont d'expression anglaise, je publie pour eux cette petite note en m'en excusant auprès des autres.

     

    The former name of the Mouriquand's family was Barreau. We find an ancestor, Jean Barreau, who gets married in 1505 in Auvergne (a french province in the central part of France, close to Clermont- Ferrand). The name of this man turned to Mouriquand, possibly as a nickname, but franckly me don't know. We can follow these people as little nobles in this region during some generations.

    Then happened the religious reform of Luther and Calvin and our family split. The branch that we are coming from is the protestant branch -evangelical, if you prefer: let's remember that Jean Pierre Diogène became a baptist preacher. We see in a genalogical study of 1932 that our family became poorer or at least more maginalised. But, one is a doctor. We also see that the roman catholic part of the family of course disagreed with that orientation and that one of our ancestor was disinherited.We have no more information about the roman catholic branch which, very probably, lasted. A repression came against the protestants and one, Guillaume de Mouriquand, fled to Geneva.

    His son Jean went back to France, exactly in the Drôme region, in 1697 but, significantly, settled in a very small village which was as far as possible of the largest city Valence, where the troops were. Obviously, he was afraid of possible new religious repressions. This man is JPD's grand-grand-father.

    These people finally settled in Beaufort sur Gervanne (where I live again after a life far away) in the middle of the eighteenth century. The picture that I put here is very probably from 1910, that is 60 years after JPD left.

    A short history of the Mouriquand's family in France

    When the french revolution happened these people, since they were protestant, favoured the republic, considering that the former repressions were ordered by the monarchy. Beaufort sur Gervanne was at the time overwhelmingly protestant (a mayor has written in 1830 that 19 inhabitants on 20 were protestant).

    This led to the fact that when, in 1851, the former president of the Republic, Prince Louis Napoléon Bonaparte, attempted a coup to become emperor (as his uncle Napoleon I) as Napoleon III, JPD's father, Jean-Pierre Mouriquand, was opposed to the coup:He was a republican activist . We know, through JPD's memories, that he received in his farm, during the night, some people that the emperor's troops would look for. His mother was terrified by this activity and would pray him to stop. He was himself arrested but, by chance, with no direct consequences.I think that he left at least a brother in Beaufort who was a member of the municipal council. (Previously, there had been one of our ancestors who was mayor.) and who, possibly, from that position, protected his brother.  So Jean-Pierre considered as better to flee to the US in 1858. At that time, JPD was 12. They arrived in Ellis Island in february 1859.

    A short history of the Mouriquand's family in FranceIt appears that the trip to the USA had been much organised since we know through JPD's autobiography that, from the beginning, they knew that they would stop in Jolliet (Ill). My opinion is that very probably there were some contacts through friends. It is indeed, absolutely senseless to imagine that from such a small village (450 inhabitants) a man was able to organise so well his trip. In Jolliet, Jean-Pierre Mouriquand and his family stopped to make evereything ready for a long trip to Kansas City, then to Coffey County where they first settled. JPD was deeply involved in the northern troops during the Secession War, and very probably lied about his age  to be incorporated in these troops. He seemed to be a fan of Abraham Lincoln and there is a  charming anecdote when he voted for the first time. Very probably his father would not speak english and would not understand how to vote. So JPD first convinced his father to vote for Abraham Lincoln as president and the conservative Albert Lee as representant. And he prepared for them both the ballot papers.

    JPD settled later in several places but with few success and only finaly ended in Homestead. But this you know better than I. (I apologize for my english)

     

    The picture at the right was very probably taken at the very end of the 19th century.


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  • Les mémoires de Jean Pierre Diogène MouriquandNos nombreux lecteurs américains sont à la recherche des mémoires de Jean-Pierre Diogène Mouriquand qui fuit aux États-Unis avec son père. Nous possédons, en effet, je ne me souviens plus très bien comment, une « history of my life » de JPD, écrite à partir de 1928. En d'autres termes, ses mémoires. Je la résume pour nos lecteurs américains ici.  Elle est dans une langue invraisemblable et je ne suis pas certain d'avoir tout compris. C'est, au passage une indication de ce qu'à la fin de sa vie, il n'était pas encore capable d'écrire correctement la langue de sa nouvelle patrie. Or, il fut parlementaire de l'Oklahoma.
    Il signale qu'il est né le premier jour de juillet 1846 à 8 heures du matin et qu'il est le frère d'une Louise Mouriquand, née un 31 juillet. Au début, ses parents, Jean-Pierre et Louise,  vivaient dans la ferme de ses grands-parents. On parlait patois au village mais bon français à l'école. On le surnommait Candou. En 1852, sa famille emménage dans une ferme dont je comprends qu'elle se situerait à moins d'un kilomètre de Beaufort en direction de Crest, mais assez curieusement sur la partie de la colline  la plus raide. Je ne vois pas bien aujourd'hui ou peut se trouver. La famille  avait 40 à 50 moutons et trois à cinq chèvres. Son père avait négocié avec le maître d'école pour qu'il parte plus tôt le soir et qu'il arrive plus tard le matin pour s'occuper des moutons et des chèvres. 

     

    À propos de du soulèvement de 1851 contre le coup d'état de Napoléon III, présenté comme étant en 1852, son père fait partie des conjurés locaux. Il indique qu'un certain jour, son père, Jean-Pierre, a du se retrouver à quatre heures du matin avec d'autres membres de comités qui se trouvaient dans chaque commune, l'objectif étant de rencontrer des officiels de chaque localité et de s'y faire connaître. (NDJM: Ce que l'on peut savoir par ailleurs suggère que ces paysans croyaient que le pays entier allait se soulever  et qu'ils ne faisaient que rejoindre un flot de protestataires. Hélas...) Ainsi, le rassemblement eût lieu à l'aube pas encore blanchissante. JPD, ce moment-là, a six ans: il se souvient du départ de la colonne armée avec tous ce qu'elle pouvait trouver, hache, fusil.... Il semble que la colonne ait rencontré en cours de route un capitaine et quatre hommes qui se trouvaient là pour les empêcher de passer et qui  les ont  conjurés,  en larmes, de rentrer à la maison mais ils continuèrent leur route . Finalement, l'importance des troupes loyalistes fera capoter le mouvement révolutionnaire.
    JPD  raconte l'anecdote connue de son père qui est repéré dans un champs, probablement du côté de Suze, en train de marcher. Une enquête est ouverte sur lui à l'occasion de laquelle  Monsieur Achard, le notaire de Beaufort, semble-t-il, lui a sauvé la mise alors que le maire de la localité lui voulait du mal. ( Il y a une confusion dans l'esprit de JPD: le notaire EST le maire) Le notaire fera comprendre à Jean-Pierre  qu'il a intérêt a se tenir à carreau mais celui-ci a des voisins, des amis qui se cachent  à la campagne de crainte d'une lointaine déportation et et qui ont besoin de secours. Le père de JPD ne peut les refuser.

    La grand-mère de JPD, peut-être Louise Lombard, venait parfois de nuit et trouvait  quelquefois à la ferme des hommes recherchés. Elle implorait son fils de ne pas continuer à s'exposer. Dans les années 1852-53, les soldats étaient, semble-t-il, à Beaufort (à demeure?) .

    Les mémoires de Jean Pierre Diogène MouriquandEn 1858,  son père commença à se préparer a émigrer aux États-Unis. Tout le monde, dans le village, avait bien compris que ce départ aurait lieu. Le père avait liquidé ses affaires. Le maître d'école  conseilla à JPD d'apprendre tout ce qu'il pourrait qui puisse faciliter son arrivée aux États-Unis.

    Ils sont partis en décembre 1858 avec sa mère Louise et sa sœur Louise également. Ils  allèrent en  diligence jusqu'à  Valence, puis ils prirent un train vers Lyon, puis Paris où il s'arrêtèrent deux ou trois jours. Là, son père régla le passage jusqu'à Joliet dans l'Illinois (ce qui, par parenthèse, montre qu'il avait beaucoup préparé son affaire car Joliet non loin de Chicago devait, alors, être une petite ville. Elle ne compte aujourd'hui que 150 000 habitants. On peut supposer qu'il avait un contact précis sur place. De façon amusante, il est plaisant de voir que l'autre famille américaine à laquelle nous sommes rattachés et qui n'a aucun lien avec celle-ci, a une branche qui a été domiciliée à Joliet dans l'Illinois.)

     

    Puis, ces Mouriquand allèrent en train au Havre et passèrent la nuit de Noël dans cette ville. Ils montèrent, si j'en crois les archives de Ellis Island, lieu d'arrivée usuel des immigrants, à bord d'un bateau américain nommé le Geo Hurlbut  qui arrive à Ellis Island le  2 février 1859 . A son bord, se trouvaient 150 à 200 passagers émigrants pour les États-Unis parmi lesquels beaucoup furent malade pendant la traversée.Il y avait de quoi: dans la nuit du 19 janvier 1859, une tempête terrible menaça le bateau; les vagues étaient plus hautes que les mâts. 

    À leur arrivée, ces Mouriquand restent deux ou trois jours à New York pour que son père puisse régler quelques affaires et récupérer les bagages. Et Jean-Pierre Mouriquand achète  pour l'occasion une grammaire française et anglaise à l'intention de ses enfants.

    Ils se dirigent, par la suite, vers Philadelphie, puis vers Chicago où un personnage, se faisant passer pour Français, a failli leur voler leurs bagages. (Le texte est si désastreux que je n'ai pas compris s'il l'avait vraiment fait) .

     

    À peine arrivé à la destination définitive,  son père loue deux chambres et  met tout aussitôt les enfants  à l'école locale. JPD écrit qu'il avait étudié la fameuse grammaire française-anglaise que son père lui avait acheté à New York et il semble très fier de sa progression en anglais dont ses mémoires ne gardent aucune trace. Ils finissent par se rendre, en mai1860 à Kansas City où son père achète un joug pour des boeufs,  une carriole et entame la traversée du Kansas pour trouver un endroit où s'installer. Le Kansas, écrit-il, était à ce moment-là, un  simple territoire (et non pas un état) et ils firent le voyage à travers des territoires peuplés de tribus indiennes. Ils finirent  par trouver un terrain, dans la partie sud de Coffey County ( qui est encore tout petit puisqu'aujourd'hui, il compte 8000 habitants. Il est intéressant de noter que ce comté a été fondé cinq ans avant, donc on peut penser qu'il y avait l'espoir d'opportunités toutes nouvelles. Cette terre lui fut vendue pour 1,25 $ l'acre apparemment par les autorités américaines. En d'autres termes, il n'y avait pas de propriétaire, c'était clairement  un territoire à coloniser. )

    Malheureusement, l'année 1860 a été très sèche donc il n'était pas question de faire des plantations. Sa mère, Louise,  faisait de la lessive pour des fermiers alentour et JPD,  lui, va faire des moissons chez un dénommé Vandever.

    La sécheresse était telle que beaucoup de colons s'en allèrent, mais, heureusement, la famille s'était creusé un puit avec, écrit-il, « de la bonne eau » qu'il allait chercher en prenant des coups de soleil. La famille dut avec d'autres, recourir à des distributions maigres de vivres par un comité charitable (si je comprends bien).

    Et voici la guerre de Sécession racontée par lui: Le Kansas (où il se trouvait) avait été reconnu comme état américain en1861. Le 4 mars, le président Abraham Lincoln avait fait un grand discours  disant qu'il était garant de l'unité de la nation. Il avait proposé des compromis aux États esclavagistes du sud « mais rien ne pouvait arrêter les conspirateurs de diviser la nation ».

     

    Les mémoires de Jean Pierre Diogène MouriquandLe président Abraham Lincoln publia  une proclamation soulevant  75 000 hommes de troupe. L'excitation   au printemps 1861 s'accroît de jour en jour. Des milices étaient organisées et des volontaires intégrés à l'armée américaine. Des guerilleros vinrent du Missouri (voisin) à Humboldt, à environ 26 miles de la ferme familiale. Ils prirent la ville et s'emparèrent de tout ce qu'ils voulaient, en particulier une quantité considérable de whisky et ils finirent ivres. Ceci amena les habitants de la petite région de Leroy,  où  la famille se trouvait,  à constituer une milice. Une investigation élémentaire m'a montré qu'en effet, nos malheureux Mouriquand s'étaient implantés dans une zone de contact entre les troupes confédérées du sud et celles du nord et qu'ils se trouvaient donc dans un point chaud.

    A la fin de l'année 1861, une compagnie fut levée;  « j'ai essayé d'entrer dans l'armée mais ma mère refusa de donner son consentement ». Cependant, quelques semaines plus tard, des efforts de recrutement furent entrepris et, cette fois, il put aller sous les drapeaux.

    Il se présenta donc à  Fort Leavenworth (qui est, toujours aujourd'hui, une garnison militaire). Lorsque l'officier de recrutement, le lieutenant Robinet, le regarda et lui demanda à son âge, il répondit la vérité:15 ans passés. Le lieutenant répondit: « alors, vous n'êtes pas assez vieux ». Il essaya de se faire engager dans un autre régiment. Il expliquait à ses camarades que « si  je disais j'avais été refusé parce que j'étais trop jeune, ma mère pourrait ne plus jamais accepter que je m'enrôle. » Quelques jours plus tard, il se retrouve dans l'autre régiment,  en présence du fameux lieutenant Robinet. « Il me regarda et demanda si je n'étais pas déjà venu. Je ne pouvais pas lui mentir. Alors il me dit de partir et que si je revenais il me mettait en état d'arrestation ».

    Ca n'empêche pas qu'il fut finalement enrôlé: ses mémoires sont remplies d'un récit éternel et incompréhensible de « sa » guerre, d'où il ressort qu'il participa à des batailles significatives et que  la typhoïde l'atteignit très gravement. Il est limpide que cette guerre fut le grand moment de sa vie. Sur cent pages  de mémoires, au moins quarante lui sont consacrées, toutes très difficilement lisibles.

    On lit dans ce texte d'assez touchants développements concernant l'élection présidentielle qui montrent combien ces hommes voulaient s'intégrer aux États-Unis. En 1864, eût lieu la deuxième élection présidentielle consacrant Abraham Lincoln. L'élection cette année là,  écrit-il, était le 8 novembre. « Le General Mac Leland était le candidat démocrate. Mon père (ici en photo à droite) lisait  un hebdomadaire en français publié à New York.  Il était pour Mc Leland.  Nous discutâmes sérieusement de l'affaire et je dis à mon père que Mc Leland  était bien considéré parmi les soldats de l'armée du Potomac mais qu'il était en très mauvaise compagnie et qu'il adoptait un programme selon lequel il fallait demander une paix immédiate ce qui, selon moi, aurait divisé la nation en deux et aurait été destructeur. Mon père me dit alors: «  je crois que tu as raison, je voterai pour Abraham Lincoln ». Aux élections sénatoriales, le même jour, il y avait deux candidats: Sidney Clarke pour les républicains et Albert Lee qui était son opposant conservateur.  « Je connaissais Albert Lee pour l'avoir rencontré pendant la guerre. Par conséquent, je rayais le nom de Sidney Clark et j'écrivis celui d'Albert Lee qui avait été colonel du septième de cavalerie du Kansas et un bon. Il avait été promu brigadier général. J'établis les deux bulletins de vote exactement identiques et j'en donnais un à mon père ». Ceci signifie sans doute que son père n'est pas capable de lire l'anglais et c'est donc son fils qui prépare les bulletins. Par la suite, il redevient soldat jusqu'au 29 septembre 1865. 

     

    Il décide de s'installer sur un terrain que les Indiens Osage avaient  vendu aux  États-Unis. C'est là que, en 1866, il ce maria, le 8 novembre, «  avec une fille du Tennesee » comme  il l'écrit, oubliant de citer son nom. Il s'agit de Samantha Buck.

    Il ajoute:  « Je dois écrire aujourd'hui que nous sommes toujours ensemble et que nous ne nous sommes jamais combattu bien que nous ayons différé dans nos opinions et que nous avons eu dans cet intervalle neuf enfants trois d'entre-eux étant mort en bas-âge ». 

    Il explique qu'il n'est pas resté très longtemps sur les terres qu'il avait initialement choisies car, en 1870,  «  il y eut une grande excitation parce que des terres nouvelles devaient être ouvertes à l'installation sur d'anciens territoires indiens ». Il finit, après bien des péripéties, à se retrouver dans le comté d'Howard. Pendant quelques temps,  il va abandonner sa ferme au profit d'un magasin mais ça n'a pas longtemps  marché et, en 1875, à nouveau, il quitte le commerce pour une ferme. Il signale qu'il a été reçu dans la maçonnerie le 29 août 1874 et ça revient à différents passages de ses écrits.

    En 1878, il est nommé greffier car il était délégué à la convention d'un parti qui a disparu aujourd'hui et qui s'appelait le Greenback party. Il faut rappeler que c'était des fonctions électives. C'est alors, finalement, qu' il s'installe à Homestead où, outre son commerce, il fait pousser du blé et vend du bétail. C'est cette fameuse maison, sauf erreur de ma part, dont nous possédons une photo. 

    Les mémoires de Jean Pierre Diogène MouriquandAvec un voisin, il  signe une pétition pour que il y ait un bureau de poste et il fut appointé « président du bureau » de Homestead le 23 février 1893 . Par la suite, il nomma sa fille, Nora, comme assistante puisqu'il était toujours très occupé par sa ferme et c'est elle qui tenait à la fois le le magasin et la poste. (Il est le personnage peu visible sur la photo de gauche). La région n'était pas sûre. Des hors la loi traînaient dans les environs.  En 1894, sur les conseils d'un lointain voisin qui, comme lui avait été membre du septième régiment de cavalerie du Kansas fut créée,  l'association contre les voleurs de chevaux. La région est alors écumée par des hors-la-loi et on comprends des mémoires de JPD qu'il fait partie d'un petit groupe qui tente de maintenir l'ordre. Un jour, un homme de passage, probablement ivre, était entré en querelle avec des « negros » (écrit JPD) . L'un des deux hommes vint à Homesstead acheter un fusil, furieux qu'il était après l'accrochage. L'ivrogne fut tué et la justice émit un ordre d'arrestation. JPD partit alors à la recherche du coupable dans une localité ou vivaient d'autres noirs. Il finit par arrêter un des hommes en cause qui prétendit n'avoir jamais été présent. JPD lui objecta que son histoire était fausse et qu'on l'avait vu quelques instants avant le meurtre. Il finit  alors par avouer. « Des voisins vinrent me prévenir qu'on se proposait de le lyncher.  J' ai dit à la foule que s'ils le faisaient le shérif serait responsable. Notre association était obéissante à la loi et que le lyncher serait se rendre coupable de meurtre. On déplaça le meurtrier dans une autre localité mais des foules s'y étaient rassemblées et finalement le prisonnier fut bel et bien lynché. »

    Un gang était très actif dont on  trouve facilement trace dans l'histoire des États-Unis qui est celui de Black et Yeager. Dans ses mémoires, JPD explique, dans une confusion totale, comment ses voisins furent menacés par ces deux hommes et que son propre fils tua Black, tandis que Yeager était blessé mais réussit à disparaître. Il va s'ensuivre une longue poursuite et à nouveau, le petit groupe autour de JPD réussit à retrouver dans un champ de blé Yeager et le blesse à nouveau. Cette fois, il est emmené au shérif. Il sera gardé en prison jusqu'à sa mort.Comme l'on sait par la suite le fils en question sera à son tour tué dans une confrontation semblable. JPD ajoute « je dois dire ici qu'à partir de ce moment-là ne plus fûmes plus jamais ennuyés par les hors-la-loi ».
    En octobre 1895, JPD est élu « comme représentant de trois ordres locaux » - je pense qu'il veut dire l'équivalent d'un canton regroupant trois communes dont il donne les noms. 

     

    En 1896, JDP est candidat pour le 24e district et la quatrième législature de l'Office des représentants en Oklahoma – c'est à dire représentant- à un moment où le pays est traversé par une question relative à la monnaie qui bouleverse l'opinion. Il semble bien que JPD soit donc candidat de ce Greenback party  dont je crois comprendre qu'il est sur une position assez populiste mais ça n'est pas clair. JPD fait vigoureusement campagne et est élu.

    Ainsi se terminent les mémoires de Jean-Pierre Diogène.

     

     


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  • L'élevage des cocons, en marge de l'activité paysanne (et parfois plus qu'en marge) a été déterminante pour toute une économie infiniment modeste. C'était un complément indispensable à des revenus agricoles faibles. Voici l'évolution de la population de quelques communes de notre région et quelques commentaires qu'elle appelle, sachant que l'apogée de la production du fil de soie est en 1853 et que le déclin après est constant. Dans les tableaux qui suivent, il faut tenir compte aussi des contrecoups du coup d'état de 1851 qui fait fuir ceux qui ont des ardeurs républicaines trop fortes.Tout d'abord Beaufort

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L'an VIII pour notre calendrier correspond aux années 1799-1800. On notera que la rupture de la progression de population correspond certes plus ou moins à la proclamation de la III° République (1871), mais surtout à la seizième année que sévit la pébrine (la maladie du ver à soie). Or, lorsqu'on regarde ce que représente la production de cocons dans le revenu agricole de la commune en 1856, on constate que c'est 30%. C'est énorme pour une population qui visiblement n'est pas riche. La principale céréale est le froment, pas le blé. Il reste que ce tableau montre que Beaufort est à peine touché.

    Voici pour Blacons

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1856, où on voit ici une inflexion, c'est vraiment le grand démarrage de l'épidémie de pébrine. Mais Blacons a la chance d'avoir une puissante industrie papetière qui sauve le coup. Au surplus, Blacons est placée sur un axe dynamique, donc on voit peu l'effet. Le drame absolu se voit nettement à Saillans où le recours aux revenus des cocons est, en part relative, beaucoup plus important.

    La démographie de la Gervanne et la crise de la soie

     

     

     

     

     

     

     

     

    On voit là que la commune a mis largement plus d'un siècle pour s'en remettre. Et bien sûr, la soie était oubliée depuis belle lurette.

    Pour mémoire Crest, mais qui n'est pas du tout concernée par cette problématique malgré, tout de même, au moment de la crise une perte de 130 habitants.

    La démographie de la Gervanne et la crise de la soie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    En revanche, Allex haut lieu de la sériciculture est nettement touchée.

    La démographie de la Gervanne et la crise de la soie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Livron est sur le coup très touchée mais réagit aussitôt. Elle a l'avantage d'être dans un contexte géographique bien plus favorable.

    La démographie de la Gervanne et la crise de la soie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Loriol, l'autre grand lieu de production de cocons avec Livron a, là encore, les avantages de sa position géographique. Il n'empêche: elle encaisse le coup.

    La démographie de la Gervanne et la crise de la soie


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  • Angoisses écologiques en 1857Ce n'est pas d'aujourd'hui que circulent des idées vaguement millénaristes sur les temps qui seraient maudits. Dans un article du Courrier de la Drôme et de l'Ardèche de début 1857 (c'est à dire au début du grand coup de torchon sur l'élevage des vers à soie) on se plaint de la météo particulièrement rigoureuse: « il semble que les saisons se furent déplacées et que notre monde touchait à une fin prématurée. Ce n'est pas seulement les plantes qui ont eu à souffrir de cette perturbation atmosphérique, c'est aussi les animaux car beaucoup d'épizooties ont régné depuis 1849, sans parler de la maladie des vers à soie. C'est enfin les hommes eux-mêmes car depuis la même époque nous avons été visités deux fois par le choléra et constamment par des fièvre d'une nature inconnue et presque toujours mortelles. Il a été constaté même que sous l'influence pernicieuse de notre état atmosphérique des remèdes, des spécifiques (?) d'un succès autrefois assuré avaient perdu de leur efficacité. Nous tenons de médecins éclairés que la saignée si pratiquée il y a plusieurs années et si favorable à grand nombre de cures était devenue dangereuse depuis 1849.

     

    Évidemment il y avait une cause commune à tous ces accidents. Et nous inclinons volontiers à partager l'opinion des bons paysans qui ont toujours voulu et veulent encore que cette cause réside dans l'air. D'après eux, pour que l'année soit bonne aux hommes, aux animaux et aux fruits de la terre, il faut que le printemps soit doux, que l'été soit chaud, que l'automne soit calme et que l'hiver soit froid. Or l'hiver répond en ce moment à leur attente et voilà pourquoi ils sont joyeux. Il vous affirme avec une assurance imperturbable que cette année nous aurons du vin, que le blé sera abondant, que les vers à soie donneront le quintal de cocon à l'once, que la santé publique sera excellente, etc. Disons maintenant que des options sérieux, que des astronomes distingués ont reconnu aussi de leur côté que notre situation atmosphérique se modifie heureusement. Espérons donc qu'encore une fois le sentiment populaire aura prophétisé et que 1857 fera oublier les sept années de disette et de maladies que qu'il nous ont cruellement éprouvé".


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  • En août 1852, soit neuf mois après le coup d'État de Louis-Napoléon, qui a mobilisé contre lui une partie de la population locale en une insurrection, le conseil municipal de Beaufort délibère dans ces termes: "Le gouvernement paraît disposé à grossir le nombre de brigades de gendarmerie dans les lieux où le besoin de surveillance se fait le plus vivement sentir. Privée de tout moyen de répression, la vallée de la Gervanne avait déjà attiré l'attention de l'autorité supérieure. Il nous est donc permis d'espérer qu'une brigade de gendarmerie sera placée à Beaufort qui, par sa position topographique, son commerce, le nombre considérable de gens qui s'y réunissent le dimanche et les jours de fêtes pourrait, en quelque sorte, être considéré comme le chef-lieu des neuf communes qui composent cette vallée.

    Si on ajoute à ces considérations que Beaufort renferme deux dépositaires de la fortune publique, un notaire (NDLR: Le maire, Achard, lui-même) et un percepteur; si l'on se souvient que c'est du sein des populations circonvoisines qu'a pris naissance le mouvement insurrectionnel du 2 décembre dernier qui a éclaté à Beaufort, il semble qu'il n'est plus permis de douter que notre commune devienne un lieu de résidence d'une gendarmerie."

    Il n'est pas tout à fait exact de soutenir que le soulèvement est parti des communes alentour de Beaufort. Il y eût des Beaufortois parmi les protestataires, mais évidemment, la demande étant alors faite au préfet  Joseph-Antoine Ferlay, connu pour sa poigne de fer, le conseil municipal avait intérêt à faire profil bas. Pour l'amusement du lecteur, signalons que Ferlay avait été maire de Valence, ce qui, aujourd'hui, interdirait que l'on devienne préfet, du moins dans le même département. 

    Il est à noter, par ailleurs, que tout au long du XIX° siècle la commune va contribuer aux effectifs de gardes nationaux, payant une partie de leurs coûts. Mais on ne sait trop s'ils étaient sur place - c'est peu probable.


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  • Le 15 septembre 1855, un nouveau conseil municipal est appelé à siéger. En voici la composition:

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Cette liste suggère quelques remarques: la quasi totalité des personnes ici citées avaient encore des descendants dans la commune il y a peu et la plupart en ont encore. Certains patronymes ont pu disparaître mais des branches latérales ont subsisté jusqu'à nos jours, ce qui montre l'incroyable permanence des populations.

    Les résultats du scrutin montrent bien d'une part qu'il existe alors toujours une limitation du droit de vote par le sexe et par la fortune. En effet, à ce moment là, Beaufort compte 448 habitants, à supposer qu'il y en ait une centaine qui soit au dessous de l'âge à partir duquel on pouvait voter, ça nous donnerait un corps électoral de l'ordre de 300 à 320 personnes et il serait bien étonnant que les résultats aient alors été aussi médiocres pour tous. Une explication est beaucoup plus vraisemblable: les femmes et, probablement certains indigents, ne peuvent voter. On retombe alors à un corps électoral de l'ordre de 150 personnes et on comprend mieux les résultats.

    Il ne faut pas se tromper sur l'intitulé de "propriétaire", même si cela sous entend que la personne concernée est en mesure de payer l'impôt minimum - le cens- autorisant à se présenter. Il faut signaler que beaucoup de délibérations font état d'une somme plus importante demandée aux contribuables les plus aisées. Ainsi par exemple lorsqu'il s'agit de payer son du à l'instituteur (sachant qu'il existe un instituteur public ("qui n'a que des indigents", dit le conseil) et un instituteur privé. En voici une preuve qui date de 1851.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il n'est pas très facile de comprendre si les contribuables les plus aisés ici cités sont des membres du conseil ou s'ils font plus généralement partie de la population (hypothèse la plus vraisemblable). On nous pardonnera une petite note familiale, le Jean-Pierre Mouriquand que l'on voit ici comme membre du conseil (à notre connaissance éleveur de moutons) est le même évoqué ici qui devra s'enfuir par crainte de poursuites des autorité napoléoniennes.

    Lors de l'installation du nouveau conseil, le maire rappelle aux élus qu'ils doivent prêter le serment suivant: "Je jure obéissance à la constitution et fidélité à l'Empereur." Il est juste de préciser que lorsque la France avait seulement un président, on lui jurait aussi fidélité, de même, avant cela aux rois. Par ailleurs, les élus sont alors désignés, de façon pour nous surprenantes comme "fonctionnaires". Et le maire de préciser que "le refus ou le défaut de serment sera considéré comme une démission", que "le serment ne pourra être prêté que dans les termes" que l'on vient de voir et que "toute addition, modification, restriction ou réserve sera considérée comme un refus de serment et produira le même effet."

    Bref, Napoléon III tenait bien son monde et on ne rigolait pas. Sauf que la petite anecdote que nous avons rapportée concernant le dénommé Jean-Claude Mouriquand, républicain notoire et recevant même la nuit des proscrits à son domicile, montre que l'on ne craignait pas de jouer double-jeu. Et ce serment ne ralentissait pas ardeurs républicaines.


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